«Votre douleur est psychosomatique!»
Cette phrase, dans la bouche d’un médecin, est souvent un aveu d’impuissance. Votre souffrance serait-elle imaginaire? Non. Est-elle psychologique ou physique? Elle est forcément les deux.
Une maladie psychosomatique est une maladie dont les causes sont (au moins en partie) psychologiques. Jusque là, tout va bien. Mais quand on cherche à savoir quelles sont ces maladies, ça se complique.
Pas d’explication? Psychosomatique!
Dans les années 50, on considérait que certaines maladies étaient psychosomatiques et d’autres non. Les maladies psychosomatiques étaient au nombre de sept: l’asthme bronchique, l’arthrite rhumatismale, la colite ulcéreuse, l’hypertension essentielle, la névro-dermite (problèmes de peau), la thyrotoxicose (hyperthyroïdie) et l’ulcère. Avec le temps, cette liste s’est étendue aux pathologies digestives, tensions musculaires, migraines, rhinites, tachycardie, maux de dos… En réalité sont communément considérés comme psychosomatiques tous les maux auxquels on ne trouve pas d’explication médicale, pour lesquels les traitements sont inefficaces et qui reviennent de façon chronique. Bref, toutes les maladies où la médecine classique s’avère impuissante. «Mais ce n’est pas parce que la médecine ne trouve pas de cause qu’une maladie est forcément psychosomatique, tient à préciser Anne-Françoise Meulemans, médecin et psychothérapeute à CentrEmergences. Ainsi, le syndrome du côlon irritable, souvent qualifié de psychosomatique, n’est parfois qu’une intolérance au gluten. La fibromyalgie, maladie psychosomatique par excellence, provient, elle, parfois d’une maladie de Lyme non diagnostiquée ou d’apnées du sommeil.»
Conjuguer approche médicale et psychologique
Ces cas «sans explication» sont ceux qui débarquent au service de Médecine Psychosomatique et de psychopathologie aux Cliniques Universitaires de Mont-Godinne, service unique en Belgique. «Prenons l’exemple de quelqu’un qui fait régulièrement des syncopes, explique Christine Reynaert, chef du service. Il consulte des spécialistes qui ne trouvent rien. Il est alors renvoyé vers nous – heureusement ce n’est plus disqualifiant de demander un avis psychosomatique. Chez nous, psys et internistes travaillent de concert pour venir à bout de la maladie.» Conjuguer travail médical et travail thérapeutique, c’est aussi de cette manière que travaille Anne-Françoise Meulemans. «Selon moi, c’est une erreur de négliger l’un de ces deux aspects. Prenons l’exemple d’une femme, victime de violences conjugales, qui a mal au ventre. Admettons qu’on se focalise uniquement sur l’aspect psychologique. On pourrait passer à côté de quelque chose de réelle- ment grave sur le plan médical. Admettons maintenant qu’on se focalise uniquement sur l’aspect médical en lui donnant des médicaments pour soulager ses maux de ventre. On ne règlera pas entièrement le problème si on ne tient pas compte de son vécu psychologique.»
Comment se soigner «psychosomatiquement»?
– L’aspect médical
La première chose à faire, face à toute maladie/ douleur, est évidemment de consulter un médecin qui pourra, d’une part réaliser les examens nécessaires pour trouver une cause médicale, d’autre part soulager la douleur (et éviter ainsi que le désagrément et l’angoisse liés à la maladie n’auto-entretiennent celle-ci).
– L’aspect psychologique
Entreprendre une réflexion sur soi, seule, avec un thérapeute ou son médecin est une étape primordiale afin de déterminer ce qui, dans votre vécu actuel ou passé, pourrait expliquer la survenue de cette maladie/douleur. Mettre le doigt sur le problème psychologique suffit-il à guérir? «Non, ce n’est qu’une première étape, affirme Geneviève Choussy Desloges. L’idéal ensuite est d’adopter des changements pourésoudre le problème à la base: changer de point de vue, de mode de vie, de job…»
– Au quotidien
Adopter de nouvelles habitudes peut vous garantir une meilleure santé. La clé? Extérioriser ses émotions: développer son imaginaire, faire du sport, une activité artistique, ou de loisir, de la méditation, chercher consolation auprès de ses proches, cultiver son estime de soi, rire, pleurer…
La maladie, un signe de déséquilibre
A l’heure actuelle, et les recherches le prouvent, on pense que chaque maladie est à la fois physique et psychologique, dans des proportions diverses. On ne parle donc désormais plus de maladies psychosomatiques, mais de dimension psychosomatique de la maladie. «Un trouble psychique comme le stress, l’anxiété ou la dépression, explique le docteur Jean-Loup Dervaux dans son livre Et si c’était psychosomatique?, modifie le système nerveux sur le plan moléculaire et cellulaire. Ces modifications se transmettent à l’organisme par interaction avec les systèmes endocrinien, immunitaire ou métabolique.» Bref, «le psychique fait un saut dans l’organique», comme le disait (déjà!) Freud. «A chaque instant, explique Geneviève Choussy Desloges, auteur de La psychosomatique pour les nuls, des milliers de virus tournent autour de vous. Heureusement, votre système immunitaire est là pour veiller sur vous en permanence et détruire au fur et à mesure tous les nouveaux intrus qui s’aventurent dans votre organisme. Pourquoi ce système immunitaire si perfectionné, tombe-t-il toujours ‘en panne’ au plus mauvais moment? Parce que, dans un contexte de fatigue, de stress, ou encore de mauvaise hygiène de vie, d’environnement pollué…, le système immunitaire s’affaiblit.» Geneviève Choussy Desloges invite alors à considérer la maladie, non plus comme une malchance ou une injustice, mais comme le signal d’alarme d’un déséquilibre.
Pas de systématisme
Reste à trouver lequel! «Pour mettre le doigt sur le problème, explique Christine Reynaert, nous jouons au détective. Nous faisons des corrélations entre les débuts de la maladie et des événements de vie: départ des enfants en kot, perte d’emploi, perte d’un animal…» Le problème peut être actuel, ou lié à un traumatisme antérieur, réactivé par les circonstances actuelles. Il n’y a pas de systématisme, comme le laissent entendre certaines disciplines, entre une maladie et un problème psychologique. Ainsi, par exemple, pas de ‘mal au genou’ parce qu’on a des problèmes relationnels de ‘je-nous’. Pas de systématisme non plus à faire entre un choc psychologique et une maladie. «Tout est question d’interprétation de l’événement, explique Geneviève Choussy Desloges. Un deuil, par exemple, peut être vécu avec un minimum de recul ou un effondrement complet. De même, certains sont naturellement mieux armés pour gérer un vécu psychologique sans qu’il dégénère en maladie.»
Travailler avec le patient
De toute façon, concernant la dimension psychologique de votre maladie, vous seule avez les rênes en main. «Entreprendre un chemin de guérison est un travail de collaboration entre le spécialiste de votre organisme – vous-même – et le spécialiste des maladies – le médecin, explique Geneviève Choussy Desloges. En réalité, votre médecin a besoin de vos explications et surtout de votre énergie pour qu’ensemble, vous mettiez tout en œuvre pour favoriser votre guérison.»
Pour aller plus loin
• La psychosomatique pour les nuls, Geneviève Choussy Desloges, First Editions.
• Et si c’était psychosomatique?, Docteur Jean-Loup Dervaux, éd. Dangles.